24/01/2008

L'homme, le carnet et le magnétophone - Francisco Costa

"C'est une histoire assez simple. C'est un homme qui vient d'un autre pays, qui a écouté attentivement les hommes de ces terres, il sait que jouer et chanter est l'attribut premier des peuples qu'il a connus. Il avait un carnet et un magnétophone. Qui est cet homme ? Vient-il nous espionner ? Nous emprisonner ? Vient-il nous voler le peu que nous avons ?"










photos©Luís d'Orey

Ce fut ainsi, de la plus belle et simple manière de s'attacher le spectateur, qu'a commencé ce qui fut le meilleur cadeau de l'époque de Noël que la RTP cette année a eu à nous offrir. Honneur lui soit rendu!

Coproduction portugaise, française et belge, le documentaire est à tous les titres exceptionnel ; une véritable pièce d'amour pour un peuple - pour tous les peuples en définitive - et pour ses richesses culturelles et ses traditions artistiques, dans l'exacte mesure où, nous parlant de l'oeuvre d'un chercheur attentif et rigoureux, il nous donne à connaître en même temps sa grandeur humaine et l'objet extrêmement riche de ses recherches.(...)

Jamais peut-être, comme dans ce film, la caméra ne nous a dévoilé d'une manière si enveloppante et en même temps si rigoureuse et "distancée" les visages et les voix d'un choeur alentejano, comme dans le filmage fabuleux de cette impressionnante version de "Ao Romper da Bela Aurora". Jamais peut-être nous n'avons découvert, comme ici, la beauté impétueuse mais sereine des visages, la chaleur débordante des coeurs, la force tellurique d'un paysage, les silences ressentis et nés d'une souffrance cycliquement répétée, continue, d'un peuple qui persiste à résister à l'oppression, quelle que soit la forme que celle-ci revête (...)

Polifonias est une pièce exemplaire de l'art du documentaire. Pour cette capacité à nous laisser, encore et toujours, attentif et éveillé pour l'art mais aussi pour la lutte, qu'ici soit donné un chaleureux "merci" aux créateurs de Polifonias.
Francisco Costa
Avante

20/01/2008

Musicalité - Luís Miguel Oliveira











Polifonias - Paci è Saluta, Michel Giacometti
est construit -de manière à rendre justice à son titre- sur un ton "polyphonique". En son centre, comme l'indique également le titre, se trouvent la figure et l'oeuvre de Michel Giacometti, sans pour autant que Polifonias (bien loin de là) ne se réduise à sa simple évocation. Celle-ci est présente évidemment, guidée par la volonté de préserver et d'affirmer l'importance du travail de Giacometti pour la culture populaire portugaise. Comme il est dit dans le témoignage de José Mario Branco, c'est grâce à ce travail qu'un passé a pu générer un futur, et que tout un héritage culturel apparemment condamné à se dessécher a pu finalement fructifié. Pierre-Marie Goulet développe aussi en partie dans son film un travail orienté par l'idée de recueillir : il s'agit de partir en quête des indices du passage de Giacometti au Portugal, en particulier en Alentejo, et vérifier tout ce qui reste de marque indélébile de ce passage. L'identification profonde qui s'établit entre lui et la population de l'Alentejo ne sera pas, en ce sens une des marques les moins importantes.

Mais en Polifonias se détache aussi l'idée d'un "mystère" subjacent à la figure de Giacometti et à cette identification avec un peuple et une terre. D'une certaine manière, c'est en relation à ce mystère que le film de Pierre-Marie Goulet avance, cherchant à comprendre pour quel motif un Corse fut capable de sentir un tel enchantement et de mener à bien une telle intégration dans un paysage humain, culturel et géographique - celui de l'Alentejo. Ici, Polifonias fait revenir à la mémoire Citizen Langlois de Cozarensky qui "reliait" l'oeuvre du fondateur de la Cinémathèque Française à une incessante tentative de retrouver et de rencontrer ses racines. Et quand Pierre-Marie Goulet confronte le "chant" alentejano avec les polyphonies corses, rendant immédiatement perceptibles, pour tous (des participants au film jusqu'aux spectateurs) les relations souterraines et les équivalences entre l'un et l'autre, cette idée devient parfaitement claire : en sauvant les racines des autres, Giacometti était en train, plus que de se les approprier, de reconnaître en elles ses propres racines.

C'est dans ce processus que Polifonias intègre dans sa structure l'idée de "polyphonie". Parce qu'il se transforme en un film qui est tout autant sur Giacometti que sur la notion de "racines", sur le peuple, sur la terre et sur la musique; et parce que tous ces éléments continuent à avoir une résonance propre même quand ils se fondent les uns aux autres. Et encore parce qu'à tout cela correspond une organisation formelle marquée par une musicalité intrinsèque, aussi bien à l'intérieur d'une séquence (voir par exemple le plan de rue qui se répète comme un leitmotiv visuel) que bien des fois à l'intérieur du plan lui-même (l'image, qui elle aussi se répète, de la femme qui regarde le paysage et que nous accompagnons dans un travelling au rythme du monologue de la bande sonore). Pour tout cela, Polifonias est un très beau film.

Luis Miguel Oliveira
Critique de cinéma du journal "Publico"
Texte de présentation pour la projection d'inauguration du cycle
"Le nouveau documentaire au Portugal." le 26 mars 1999
organisé par la Cinémathèque Portugaise - Musée du Cinéma

19/01/2008

Musicalidade - Luís Miguel Oliveira

Polifonias é um filme construído, de maneira a fazer justiça ao título, em tom "polifónico". No centro, como o título também indica, estão a figura e a obra de Michel Giacometti, sem que Polifonias se esgote (muito longe disso) na sua simples evocação. Esta está presente, claro, guiada pela vontade de preservar e de afirmar a importância do trabalho de Giacometti para a cultura popular portuguesa: como fica expresso no depoimento de José Mário Branco, foi graças ao seu labor que um passado pôde gerar um futuro, e que toda uma herança cultural aparentemente condenada a secar acabou, afinal, por frutificar. Em parte, Pierre-Marie Goulet também desenvolve no seu filme um trabalho orientado pela ideia de recolha: trata-se de partir em busca dos indícios da passagem de Giacometti por Portugal, em particular pelo Alentejo, e verificar tudo aquilo que ficou como marca indelével dessa passagem. A profunda identificação estabelecida entre ele e as gentes alentejanas ("o Michel", como se lhe refere o idoso que conta à câmara a chegada, em 1959, de Giacometti) não será, nesse sentido, uma das marcas menos importantes.

Mas em Polifonias perpassa também a ideia de um "mistério" subjacente à figura de Giacometti e a essa sua identificação com um povo e com uma terra. De certa forma, é em relação a esse mistério que o filme de Pierre-Marie Goulet avança, procurando perceber por que motivo foi um Corso capaz de sentir um tal encantamento e de levar a cabo uma tal integração na paisagem (humana, cultural e geográfica) do Alentejo. Aí, Polifonias traz à memória o Citizen Langlois de Cozarinsky, que "lia" a obra do fundador da Cinemateca Francesa como uma incessante tentativa de recuperação e de reencontro com as suas raízes. E quando Pierre-Marie Goulet confronta o "cante" alentejano com as polifonias corsas, tornando imediatamente perceptíveis, para todos os envolvidos (dos intervenientes no filme aos espectadores), as subterrâneas relações e equivalências entre uma coisa e outra, essa ideia torna-se perfeitamente clara: ao salvar as raízes dos outros, Giacometti estava, mais do que a apropriar-se, a reconhecer nelas as suas próprias raízes

É nesse processo que Polifonias integra na sua estrutura a ideia de "polifonia". Porque se transforma num filme que é tanto sobre Giacometti como sobre a noção de a "raízes", sobre o povo, sobre a terra, e sobre a música, e porque todos estes elementos continuam a ter uma ressonância própria mesmo quando se fundem uns nos outros. E ainda porque a tudo isso corresponde uma organização formal marcada por uma musicalidade intrínseca, tanto na sequência (veja-se, por exemplo, o plano da rua que se repete como "leit-motiv" visual) como muitas vezes no próprio interior do plano (a imagem, também repetida, da mulher a olhar a paisagem, com o travelling que a acompanha seguir o ritmo do monólogo na banda sonora). Por tudo isso, Polifonias é um filme belíssimo.
Luis Miguel Oliveira
Folha da Cinemateca