15/05/2007

Il s'appelait Giacometti - Eduardo Guerra Carneiro




Il fut content lorsqu'il apprit qu'un film allait se faire sur la vie et l'oeuvre de l'autre. Il fut content en lisant la prose d'Isabel Braga dans le Público, où elle contait que dès ce mois de septembre devait débuter le tournage d'un documentaire signé par le réalisateur français Pierre-Marie Goulet sur la vie de ce type grand, maigre, à la barbiche de flibustier qu'il connaissait bien. Et il se souvint d'une des dernières interviews que l'autre lui avait donnée, en 1990, peu de temps avant de partir pour un ultime voyage, peut-être vers d'autres rives du temps et de l'espace où il doit être maintenant à enregistrer la musique des étoiles. L'autre s'appelait Michel Giacometti et fut le sauveur de la musique populaire portugaise.

Dans sa maison de la Rua das Navegantes à Cascais, il toussait et d'une large veste il retirait fébrilement cigarettes et briquet pour fumer une "paivante." Ces yeux s'illuminaient quand il commençait à parler de ses voyages à travers le pays au long de 30 années. Né en Corse, à Ajaccio, en 1929, il a plus fait pour la culture portugaise que beaucoup de natifs de ce rectangle planté en bord de mer. Presque jusqu'à la fin de sa vie il a parcouru les routes, les chemins, les sentiers du Portugal à la recherche des musiques perdues. A sa manière cette ethnomusicologue était un autre Indiana Jones.

Michel Giacometti arriva au Portugal en 1959. Il avait 30 ans. Fasciné par la richesse de notre folklore, par les chants de travail et les berceuses, les chants d'amitiés ou d'amour, il fonda les Archives Sonores Portugaises et débuta le collectage systématique des traditions musicales de notre pays.

Il commença par le Trás-os-Montes. De la zone de Vinhais au haut-plateau mirandèse, du Barroso aux faubourgs de Chaves, de Montesinho aux pieds des monts de Larouco, par là il chemina, entendant les traditions, écoutant, avec une infinie patience, les chants des vieux et des jeunes. Ce fut avec un sourire presque enfantin que Giacometti lui parla de ces années d'aventure qu'il voulait encore poursuivre.

Il se remémora pour lui les semaines passées dans la région du Barroso, la neige qui couvrait les collines et coupait les chemins, les gens de Montalegre qui le pensaient dévoré par les loups et la gendarmerie qui le recherchait sur les sentiers du haut plateau. Il lui parla avec émotion de maître Talhinas et de Manuel Jaleco, les hommes des marionnettes de Santo Aleixo, du Rio de Moinhos à Borba en Alentejo. Et avec tristesse il lui dit que le Portugal intérieur avait déjà perdu une partie de sa pureté, de sa spontanéité et même de sa force, en "se normalisant".

Quand il l'interviewa, en Mars de 1990, l'autre se préparait à passer quelque temps à Alcacer do Sal pour étudier les chansons du "voleur du Sado" - chant de "despique" entre les hommes qui travaillaient au sarclage des rizières.

Il y avait de la nostalgie dans le souvenir des cinq disques de l'Anthologie de la Musique Régionale Portugaise, faits en collaboration avec le compositeur Fernando Lopes Graça, édités entre 1960 et 1970. Ce sont aujourd'hui des éditions précieuses car il n'y eut que trois cents exemplaires de chaque 33 tours.

Comme cela ne pouvait manquer d'être, l'autre lui raconta aussi l'aventure que fut de faire pour la RTP "Povo que Canta" (Le peuple qui chante) entre 1970 et 1973, constitué par 37 programmes bimensuels, encore aujourd'hui le seul reportage télévisé réalisé dans le domaine de l'ethnomusicologie où il conta avec la collaboration de

Quant au film de Pierre-Marie Goulet sur la vie de cet homme grand, maigre, à la barbiche de flibustier, veste large d'où il était toujours à tirer des cigarettes et un briquet pour encore une bouffée, qu'il avance avec le maximum d'appui. A commencer par le Ministère de la Culture et la R.T.P., bien évidemment. Que Viva Giacometti.
Eduardo Guerra Carneiro
TVFilmes

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