La polyphonie remonte aux sources d'un peuple opprimé par sa terre et par celui qui s'en était déclaré le maître. Qu'elle soit de Corse ou du Portugal n'a finalement que peu de poids. Seule compte la voix qui, souvent, s'élevait du sillon où le laboureur peinait sous un soleil de plomb. Il se rattachait alors à ce filet profond, de peur que sa volonté ne défaille et ne le laisse sans force ou sans voix.(...)
De tout ceci, il ne resterait plus aucune trace si, par une journée banale, un homme à longue barbe n'était entré dans le village, équipé seulement d'un carnet et d'un magnétophone. Son nom était Giacometti. Michel Giacometti. D'origine corse, cet amoureux des voix a conquis ce peuple fier et taiseux au point de devenir le meilleur allié de sa tradition. Qu'on ne se méprenne pas ; il n'y eut pas vol mais don, réciproque et librement consenti. Ce transfert d'amour est au coeur de Polifonias, Paci è Saluta, l'improbable et pourtant irréfutable histoire d'un glaneur de sons, nomade insatiable qui parcourut un pays à la recherche de ses voix. (...)
Plus encore que par les paysages d'une beauté insolente et par la paix de cette caméra qui les traverse au pas, c'est par l'esprit de cette communauté villageoise que l'on est séduit ; une communauté qui n'a que la beauté et l'aridité de sa terre à offrir. Dans le silence des instruments montent les voix, formant cercle avant de s'élever dans l'air. La caméra les circonscrit comme dans une parade d'amour et ce sont indéniablement les plus magiques instants du documentaire de Pierre-Marie Goulet. (...)
Karin Tshidimba
La Libre Belgique
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